Mariage Jessica et Mourad 12 jlt 08
Textes : de Mère Térésa, 1Co 12,31-13,13 et Mc 10,6-9
Pour une célébration de mariage, parler d’amour, choisir des textes où il est question d’amour, cela peut paraître banal. Mais il importe de ne pas se voiler les oreilles : de quel amour s’agit-il ? De celui que l’on pourrait mettre dans des textes juridiques ?
La Loi s’occupe surtout du comportement, de ce qui concerne le for externe principalement. Le comportement, St Paul en parle avec le parler en langues, la distribution de sa fortune, etc. Choses admirables par ailleurs mais, nous dit-il, insuffisantes par elles-mêmes. Jessica et Mourad viennent nous dire aujourd’hui, que le droit n’est pas tout et qu’il y a un autre sens dans leur vie. On l’espérait pour eux et ceux qui en auraient douté peuvent être rassurés !!
Mais pour dépasser la banalité de la première impression, découvrir l’originalité de ces textes, deux étapes doivent être franchies.
La première concerne la vie du couple et de la famille, la vie du foyer.
Ce n’est pas à propos du mariage que St Paul n’écrit pas le 2ème texte que nous avons écouté. Il s’adresse aux premiers chrétiens. Il vient d’énumérer les dons de Dieu qui fortifient leur vie chrétienne, c à d la manière personnelle de vivre ses convictions spirituelles. En proposant ce texte pour les célébrations de mariage du xxie siècle, l’Église reconnaît à la vie de famille le rôle fondamental d’être une cellule d’Église, un lieu d’échanges et de maturation de nos convictions. « Maintenant que je suis adulte, j’ai fait disparaître ce qui était enfantin », dit St Paul. L’amour familial est le creuset de notre vie spirituelle.
Est-ce que « aimer son conjoint, ce n’est pas ». Vous avez remarqué que St Paul utilise beaucoup de négations : ne se vante pas, ne se gonfle pas, etc. Bien sûr, le minimum est d’éviter de faire mal, mais on ne saurait s’en contenter. Aimer son conjoint, c’est beaucoup mieux qu’aller décrocher la lune s’il le demandait. St Paul met en garde contre tous les « j’aurais beau … » Aimer son conjoint, et ses enfants aussi d’ailleurs, c’est déjà vouloir le bonheur de l’autre d’abord et c’est en même temps beaucoup plus. C’est aussi trouver son bonheur dans le bonheur de l’autre, c’est recevoir son propre bonheur du bonheur de l’autre. Aimer c’est être pauvre. C’est se reconnaître incomplet, en béance.
Pour illustrer ceci, on me pardonnera quelques clichés L’épouse peut être légitimement contente de sa cuisine, l’époux peut être fier d’avoir installé une salle de bains, mais le contentement n’est pas le bonheur. Leur bonheur est d’être appréciés par l’autre. D’où l’importance au quotidien de ces petits mots gentils. « C’est la deux mille cent vingtième fois que je te dis que ta crème au chocolat est délicieuse mais je ne me lasse de te le dire parce que je le pense et que cela te fait plaisir. » Pour parler comme Mère Térésa, voici 2 120 gouttes d’huile versées au feu de l’amour.
Quand nous traduisons en français le texte grec de St Paul, il faut nous rappeler que le grec possède trois mots pour désigner l’amour. Le registre des émotions, de l’amour sentimental est désigné par le terme grec Éros. La complémentarité, l’amitié sont regroupées dans Philia. L’engagement, le don de soi, la charité dans le sens noble du terme, s’appellent Agapè. Les trois se trouvent dans l’amour conjugal et il est nécessaire d’entretenir l’huile de ces trois composants de la même lampe. Dans le mariage, ne pas oublier les anniversaires, la St Valentin, c’est facile ; quoique !... Mais il faut aussi tenir aux petites choses de tous les jours et, ainsi que le dit Mère Térésa, réajuster souvent et rester vigilants. Mais la forme d’amour dont Paul nous parle aujourd’hui, c’est spécialement l’agapè. Cette béance en nous qui ne se comble que par l’accomplissement de l’autre. Ce que Jésus exprime clairement dans l’Évangile : « Quand Dieu créa l’humanité, il les fit homme et femme. » comme les deux faces d’une même pièce, les deux moitiés d’une même partie. À ce propos, une parenthèse. Par différentes fonctions que j’au eu à tenir, je suis bien placé pour mesurer la difficulté de ne pas faire d’erreurs de frappe dans un texte. Il convient toutefois de rectifier le texte d’évangile que vous avez sous les yeux. Bien que ce ne soit pas le cas aujourd’hui, cette anecdote nous donne l’occasion de montrer combien une mauvaise traduction peut changer le sens d’une phrase. Et je profite de l’occasion pour avertir que certaines convictions religieuses défigurent le message biblique par ce procédé. Fin de la parenthèse.
Oublier l’agapè, oublier d’entretenir ce don de soi, oublier d’être vigilants pour le maintenir en forme, c’est risquer de manquer d’huile et de laisser la lampe s’éteindre. Il parait qu’un mariage sur trois se termine par un divorce. Cette statistique est contestable, mais n’y aurait-il qu’un mariage sur cinq ou même qu’un sur dix, ce serait encore de trop. Dans notre assemblée d’aujourd’hui il y a certainement des personnes touchées par cette souffrance. J’espère que mes propos ne les blesseront pas. Quand prendra t’on conscience au plan national que ces milliers de drames familiaux sont insupportables ? Sur les routes il y a une vingtaine d’années, on comptait douze mille, quinze mille morts par an. Il est même arrivé vingt mille morts. Parce que chacun est adulte et responsable, chacun pouvait décider de boire et d’apprécier la vitesse convenable. Tenir un autre discours, c’était attenter à la liberté du citoyen. Quand on a pris conscience que ces morts de la route n’étaient pas seulement des drames familiaux mais une catastrophe nationale, on a pris des lois et des moyens. Actuellement il y a encore cinq mille morts sur nos routes, c’est encore trop, mais la baisse est nette. Maintenant, la lutte contre le cancer du poumon est enfin devenue une cause qui mérite d’être défendue et on agit nationalement contre le tabagisme. Quand se rendra–t’on compte qu’il faut aussi refuser de s’habituer au divorce ? Quand voudrons-nous le changement de mentalité en conséquence ?
La deuxième étape que j’ai annoncée concerne le sens sacré du couple. On comprendra qu’ici je dise le sens chrétien du mariage, pas seulement de la cérémonie mais du mariage lui-même, celui de tous les jours, de tous les instants. Ce qui se vit dans le foyer est exemplaire de la vie spirituelle, et particulièrement de la manière de vivre la foi chrétienne. On sait que Paul n’écrit pas pour le couple mais pour la communauté. Certes les corinthiens peuvent exploiter leurs savoirs et leurs talents, bien sûr qu’ils ont à mettre ceux-ci au service de tous. Mais Paul leur rappelle qu’ils n’ont pas à le faire pour se mettre en valeur, mais bien pour rendre service, pour être charitable. Il est nécessaire et juste que ce service reçoive une rétribution sociale, mais l’argent n’est pas la finalité ultime de ce travail. À ce titre, ce qui se vit dans le couple devient exemplaire de la vie en société. Là aussi, le contentement n’est pas le bonheur.
Les habitués des messes de mariage auront remarqué que Jessica et Mourad ont choisi plus que l’extrait habituel de la lettre de Paul. « Nous voyons actuellement une image obscure… ce jour-là, je connaîtrai vraiment, comme Dieu m’a connu. » Ainsi le meilleur de tous les dons de Dieu, c’est l’agapè. La voie supérieure à toutes les autres, c’est le don de son. Le conjoint qui vit ainsi voit l’autre avec le regard de Dieu, non pas une image obscure mais comme Dieu le connaît car Dieu lui aussi ne veut que notre bonheur, lui l’infiniment grand trouve son bonheur dans notre bonheur. Ainsi, en vivant les trois dimensions de l’amour, le couple est une icône de Dieu. Car Dieu est amour. « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. »
Article publié par Lundi 14 juillet 2008 •
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